
(AGENPARL) – mar 28 giugno 2022 COMMUNIQUE DE PRESSE n° 113/22
Luxembourg, le 28 juin 2022
Arrêt de la Cour dans l’affaire C-278/20 | Commission/Espagne (Violation du droit de l’Union par
le législateur)
Responsabilité de l’État pour les dommages causés aux
particuliers par les violations du droit de l’Union : l’Espagne a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du principe
d’effectivité
La Cour estime en revanche que le régime de responsabilité de l’État législateur en cas
de violation du droit de l’Union ne porte pas atteinte au principe d’équivalence
Le principe de la responsabilité de l’État pour les dommages causés aux particuliers par les violations du
droit de l’Union qui lui sont imputables est inhérent au système des traités 1. Ce principe est valable quel
que soit l’organe de l’État membre dont l’action ou l’omission est à l’origine de cette violation. Les
particuliers lésés ont droit à réparation dès lors que les trois conditions d’engagement de la responsabilité
de l’État sont réunies : la règle de droit de l’Union violée doit avoir pour objet de conférer des droits aux
particuliers, la violation de cette règle doit être suffisamment caractérisée et il doit exister un lien de
causalité direct entre cette violation et le dommage subi par les particuliers. Cependant, c’est dans le
cadre du droit national de la responsabilité qu’il incombe à l’État de réparer les conséquences du préjudice
causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des
dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de
nature interne (principe d’équivalence) et ne sauraient être aménagées de manière à rendre, en
pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation (principe d’effectivité).
C’est en se fondant sur la violation de ces principes que la Commission européenne a introduit un recours
en manquement contre l’Espagne. En effet, à la suite de plaintes déposées par des particuliers, la
Commission a engagé une procédure EU Pilot 2 contre cet État membre, portant sur les articles 32 et 34 de
la loi 40/2015 relative au régime juridique du secteur public 3. Cette procédure, qui s’est avérée
infructueuse, a été clôturée et la Commission a ouvert une procédure d’infraction contre l’Espagne, en
demandant à la Cour de constater que cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en
vertu des principes d’effectivité et d’équivalence.
Par son arrêt de ce jour, la Cour, statuant en grande chambre, accueille partiellement le recours
de la Commission, en constatant que l’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en
vertu du principe d’effectivité en adoptant et en maintenant en vigueur les dispositions
contestées, en ce que ces dernières soumettent la réparation des dommages causés aux
particuliers par le législateur espagnol en raison d’une violation du droit de l’Union :
Arrêts du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C-118/08, ainsi que du 18 janvier 2022, Thelen Technopark
Berlin, C-261/20 (voir CP n° 6/22).
Système utilisé à un stade précoce par la Commission pour tenter de clarifier ou de résoudre des problèmes, afin d’éviter, si possible, le
lancement d’une procédure d’infraction à l’encontre de l’État membre concerné.
Article 32, paragraphes 3 à 6, et article 34, paragraphe 1, second alinéa, de la Ley 40/2015 de Régimen Jurídico del Sector Público (loi
40/2015 relative au régime juridique du secteur public), du 1er octobre 2015 (BOE no 236, du 2 octobre 2015, p. 89411), ainsi que
article 67, paragraphe 1, troisième alinéa, de la Ley 39/2015 del Procedimiento Administrativo Común de las Administraciones Públicas
(loi 39/2015 relative à la procédure administrative commune des administrations publiques), du 1 er octobre 2015 (BOE no 236, du
2 octobre 2015, p. 89343).
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– à la condition qu’il existe une décision de la Cour déclarant l’incompatibilité de la norme ayant
rang de loi appliquée avec le droit de l’Union ;
– à la condition que le particulier lésé ait obtenu, devant n’importe quelle instance, une décision
définitive rejetant un recours formé contre l’acte administratif ayant causé le dommage, sans
prévoir d’exception pour les cas dans lesquels le dommage découle directement d’un acte ou
d’une omission du législateur, contraire au droit de l’Union, sans qu’il existe d’acte administratif
attaquable ;
– à un délai de prescription d’un an à compter de la publication au Journal officiel de l’Union
européenne de la décision de la Cour déclarant l’incompatibilité de la norme ayant rang de loi
appliquée avec le droit de l’Union, sans couvrir les cas dans lesquels une telle décision n’existe
pas, et
– à la condition que seuls peuvent faire l’objet d’une réparation les dommages survenus dans les
cinq ans précédant la date de cette publication, sauf disposition contraire contenue dans cette
décision.
En premier lieu, la Cour rappelle que subordonner la réparation, par l’État membre, du dommage qu’il a
causé à un particulier en violant le droit de l’Union à l’exigence d’une constatation préalable, par celle-ci,
d’un manquement au droit de l’Union imputable à cet État membre est contraire au principe d’effectivité
de ce droit 4. De même, la réparation du dommage causé par une violation du droit de l’Union imputable à
un État membre ne saurait être subordonnée à l’exigence selon laquelle l’existence d’une telle violation
résulte d’un arrêt rendu par la Cour à titre préjudiciel. Il s’ensuit que, en toute hypothèse, la réparation
du dommage causé par un État membre, y compris par le législateur national, en raison d’une
violation du droit de l’Union ne saurait, sauf à enfreindre le principe d’effectivité, être
subordonnée au prononcé préalable d’une décision de la Cour constatant un manquement de
l’État membre concerné au droit de l’Union ou de laquelle ressort l’incompatibilité avec le droit
de l’Union de l’acte ou de l’omission à l’origine du dommage.
En deuxième lieu, s’agissant de la responsabilité d’un État membre pour violation du droit de l’Union, la
personne lésée doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour éviter le préjudice ou en limiter la
portée ; en revanche, il serait contraire au principe d’effectivité d’imposer aux personnes lésées
d’avoir systématiquement recours à toutes les voies de droit à leur disposition, même lorsque
cela serait source de difficultés excessives ou ne pourrait être raisonnablement exigé d’elles. Par
conséquent, si le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’application d’une réglementation nationale qui
prévoit qu’un particulier ne peut obtenir la réparation d’un dommage dont il a omis de prévenir la
survenance en utilisant une voie de droit, ce n’est qu’à condition que l’utilisation de celle-ci ne soit pas
source de difficultés excessives ou puisse être raisonnablement exigée de la personne lésée. Toutefois,
lorsque le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du législateur contraire au droit de l’Union, sans
qu’existe un acte administratif que le particulier puisse attaquer, la condition que le particulier ait obtenu
une décision définitive rejetant son recours contre l’acte administratif rend impossible l’obtention d’une
réparation, le particulier lésé ne pouvant saisir une juridiction d’un recours.
En troisième lieu, en ce qui concerne le délai de prescription d’un an à compter de la publication au Journal
officiel de la décision de la Cour déclarant l’incompatibilité de la norme, étant donné que la réparation du
préjudice causé en raison d’une violation du droit de l’Union ne peut pas être soumise à la condition
qu’existe une telle décision, la Cour constate que la publication d’une telle décision au Journal
officiel ne saurait constituer le seul point de départ possible du délai de prescription de
l’action visant à engager la responsabilité du législateur national pour les violations du droit
de l’Union qui lui sont imputables.
Enfin, pour ce qui est de la condition que seuls peuvent faire l’objet d’une réparation les dommages
survenus dans les cinq ans précédant la date de publication d’une décision de la Cour qui constate un
manquement de l’État membre concerné au droit de l’Union ou de laquelle ressort l’incompatibilité avec le
droit de l’Union de l’acte ou de l’omission à l’origine du dommage, cette condition fait obstacle à ce que les
particuliers lésés puissent, dans tous les cas, obtenir une réparation adéquate de leur préjudice. S’il
appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de déterminer l’étendue de la
réparation ainsi que les règles relatives à l’évaluation des dommages causés par une violation du droit de
Voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46/93 et C-48/93.
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l’Union, la réparation des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de
l’Union doit être adéquate au préjudice subi.
RAPPEL : Un recours en manquement, dirigé contre un État membre qui a manqué à ses obligations
découlant du droit de l’Union, peut être formé par la Commission ou par un autre État membre. Si le
manquement est constaté par la Cour de justice, l’État membre concerné doit se conformer à l’arrêt dans
les meilleurs délais.
Lorsque la Commission estime que l’État membre ne s’est pas conformé à l’arrêt, elle peut introduire un
nouveau recours demandant des sanctions pécuniaires. Toutefois, en cas de non communication des
mesures de transposition d’une directive à la Commission, sur sa proposition, des sanctions peuvent être
infligées par la Cour de justice, au stade du premier arrêt.
Document non officiel à l’usage des médias, qui n’engage pas la Cour de justice.
Le texte intégral et le résumé de l’arrêt sont publiés sur le site CURIA le jour du prononcé.
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