
(AGENPARL) – BRUXELLES mar 21 giugno 2022

C’est pour moi un plaisir particulier d’être avec vous en personne pour ces Journées du développement, qui sont l’occasion de se rassembler pour réfléchir ensemble à la manière d’engager des coopérations utiles pour nous faire progresser sur le chemin de la stabilité, de la sécurité et de la prospérité.
Cette réunion en personne intervient deux ans après le point de départ de cette crise du COVID. Cette crise qui a frappé le monde, cette crise qui nous a toutes et tous ébranlés, bousculés, bouleversés; cette crise qui a montré les faiblesses et les failles de la solidarité internationale ? et cette crise qui a aussi montré une forme de résilience et de capacité pour l’humanité à développer des vaccins, par exemple en moins d’un an là où habituellement cinq à dix ans étaient nécessaires. Et qui a montré aussi pour l’Union européenne la place centrale qu’elle doit occuper en termes de solidarité et d’engagement envers le reste du monde. Certes, tout n’a pas été parfait et cette crise du COVID doit tous nous amener à être modestes et humbles. Mais elle a montré notre volonté sans faille d’exporter la moitié des doses de vaccins produites en Europe tout au long de la crise. Elle a montré aussi, et la présidente de la Commission l’a évoqué, cet engagement avec un certain nombre de pays, spécialement sur le continent africain, pour développer des capacités de production de vaccins en Afrique pour faire face à cette demande sur le continent africain. Nous avons le même souhait de développer de tels partenariats avec d’autres pays et d’autres régions dans le monde.
Cette réunion intervient au moment où le sang coule une fois encore sur le continent européen. Cette réunion intervient au moment où un pays, et ce n’est pas un détail, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, a décidé de déclencher une guerre d’un autre siècle, une guerre injustifiable, une guerre non provoquée, en flagrante violation avec le droit international. Non, ce n’est pas une opération militaire spéciale. Au moment où nous sommes rassemblés ici à Bruxelles, le peuple ukrainien souffre sous les bombes et sous les balles. Des meurtres sont commis. Les violences sexuelles sont utilisées comme armes de guerre contre des femmes, contre des filles et des enfants. Nous ne pouvons pas rester les bras ballants, et c’est le sens du soutien de l’Union européenne pour l’Ukraine. Soutien politique, soutien humanitaire, soutien militaire également. Et c’est le sens des sanctions décidées pour tenter d’enrayer le financement de la machine de guerre du Kremlin. Je veux être extrêmement clair parce que cette guerre déclenchée par le Kremlin est aussi l’occasion pour certains de développer de fausses informations, de développer de la propagande. Les sanctions de l’Union européenne et de nos alliés sont strictement ciblées et ne visent en aucun cas les produits alimentaires ou les engrais. Au contraire, c’est l’Union européenne qui est totalement mobilisée depuis le premier jour pour tenter de contribuer avec les partenaires à résoudre le risque grave de crise de la sécurité alimentaire qui est en train de survenir, crise qui pourrait se produire à défaut d’actions extrêmement volontaires sur ce sujet. De quelle manière? D’une part, l’Union européenne travaille pour développer des routes alternatives afin de permettre que les produits agricoles, les grains bloqués en Ukraine, puissent sortir d’Ukraine.
J’ai été personnellement il y a quelques semaines dans le port d’Odessa. J’ai pu voir de mes yeux, dans les bateaux, dans les silos, les 22 millions de tonnes de blé ukrainien qui sont censées aller vers les pays du nord de l’Afrique, vers l’Afrique de l’Ouest, également bloquées, non pas par des sanctions européennes, mais bloquées par les navires de guerre qui empêchent le transport maritime dans la mer Noire. Bloquées parce que la Russie a décidé que cette mer Noire était une zone de guerre. Bloquées aussi parce que les champs de blé en Ukraine sont devenus des champs de bataille, parce qu’il y a cette décision du Kremlin de déclencher cette guerre contre l’Ukraine. Mobilisés aussi, nous le sommes, pour soutenir avec force l’engagement du Secrétaire général Guterres et des Nations Unies pour tenter de trouver un accord afin de permettre de débloquer des corridors maritimes sécurisés au travers de la mer Noire et faire en sorte que l’on puisse relever ensemble ce défi.
Mobilisés, nous le sommes également avec cette initiative française que nous portons pour appuyer, avec l’Union africaine et avec nos partenaires, cette nécessité de s’engager pour soutenir les efforts de production en Afrique et pour adapter les mesures commerciales qui devraient l’être afin de faciliter l’accès non seulement aux produits agricoles, mais également aux engrais. Mobilisés, nous le sommes aussi avec le G7. Nous serons réunis en Allemagne, dans quelques jours, la semaine prochaine, et l’Union assumera toute sa part pour faire en sorte que nous prenions au sérieux cette crise sévère qui est d’ores et déjà présente dans un certain nombre de pays et qui nous menace collectivement pour les prochains mois et peut être même pour les prochaines années.
Enfin, je souhaiterais profiter de ce moment avec vous ? brièvement, parce que je sais que la liste des orateurs est longue ? pour partager trois messages, trois messages simples, avec solennité, au nom de l’Union européenne.
Le premier message concerne l’Union européenne, l’ADN de ce projet politique atypique né au lendemain de deux guerres mondiales qui ont fait couler le sang sur le continent européen. Au lendemain de ce siècle marqué par ces tragédies, il y a eu cette vision, cette lumière de leaders politiques qui ont eu le courage ? ce sont les pères fondateurs de l’Europe ? de se rassembler autour d’une même table. Ceux-là mêmes qui représentaient les nations qui s’étaient tant déchirées, qui s’étaient tant brutalisées au siècle passé, se sont rassemblés autour d’une même table pour construire un projet de paix, de prospérité et de stabilité. Paix, prospérité et stabilité, l’un va avec l’autre. Et c’est pour cela que mon premier message est le suivant: l’Europe sera toujours le partenaire pour le développement, le partenaire pour le progrès, le partenaire pour la paix et pour la stabilité. Ce n’est donc pas un hasard si 46 % de l’aide au développement mondial est portée au départ de l’Union européenne; près de 70 milliards mobilisés chaque année pour financer plus de paix, plus de prospérité et plus de développement.
Mon deuxième message: à l’heure où le sang coule sur le sol ukrainien, ne commettons pas l’erreur collective d’être sourds ou d’être aveugles. Il y a dans le monde d’autres tragédies en ce moment même. Il y a dans le monde d’autres crises. Je pense aux femmes et aux filles en Afghanistan qui ont du mal, aujourd’hui, à suivre des cours et à fréquenter les écoles. Je pense aussi aux drames humanitaires liés aux conséquences de la situation en Afghanistan. Je pense également à la situation dans la Corne de l’Afrique et aux drames qui frappent un certain nombre d’hommes et de femmes qui sont des victimes très directes de ce déchaînement de haine, parfois même de haine à dimension ethnique. Je pense aussi à nos amis dans l’Afrique de l’Ouest, dans le Sahel, qui sont mobilisés depuis tant d’années pour combattre le terrorisme qui menace la dignité des populations. Et je pense à tant d’autres endroits dans le monde, sur tous les continents où la folie des hommes, où l’instabilité, où l’insécurité, amènent de la misère, de la tristesse et de la peine. L’Union européenne n’oublie pas: nous avons les yeux ouverts, nous avons les oreilles branchées sur le monde et nous souhaitons aussi rester un acteur engagé pour le soutien humanitaire, un acteur engagé pour le soutien politique, notamment dans les enceintes multilatérales, pour toujours privilégier la capacité de résoudre par le dialogue les différends et les conflits.
Enfin, le troisième message que je souhaiterais partager avec vous, c’est une conviction très, très forte, émanant de quelqu’un, votre serviteur, qui a eu l’occasion, il y a plusieurs années, d’assumer des responsabilités dans le développement comme ministre de la Coopération internationale en Belgique. Ma conviction, c’est que nous devons maintenant changer notre logiciel. Nous devons maintenant changer de paradigme et nous devons maintenant davantage avoir la culture de l’évaluation, voir nettement ce qui se passe bien et pouvoir approfondir, accentuer les méthodes qui donnent lieu à des succès, mais aussi pouvoir corriger lorsque l’on se rend compte que les recettes du passé ne fonctionnent pas ou en tout cas ne fonctionnent pas à la hauteur de nos attentes. Changer de logiciel, c’est d’abord changer le logiciel dans nos têtes et dans nos cœurs. C’est cette conviction que le partenariat d’égal à égal ne peut pas être simplement un mot ou un élément de langage. Ce doit être un partenariat d’égal à égal empreint de sincérité, fondé sur l’intérêt mutuel et fondé aussi sur notre perception commune que le monde se transforme sous nos yeux.
Le changement climatique ébranle tous nos repères. Nous mesurons bien qu’il n’est plus possible d’user et d’abuser des ressources naturelles à l’extrême, parce que nous voyons bien que nous sommes au bout de ce modèle et que cela emporte des conséquences. Ce qui autrefois était considéré comme un déchet est aujourd’hui une ressource: c’est le développement de l’économie circulaire. Dans le même état d’esprit, la transformation numérique nous bouleverse et nous sommes en train de mesurer que sous nos yeux, le pétrole de demain est probablement la donnée numérique. Il sera important pour nous, collectivement, de ne pas commettre les erreurs commises dans l’enceinte du changement climatique en ne martyrisant pas les données personnelles et en trouvant le chemin grâce à des valeurs partagées pour permettre à la fois l’innovation, le développement, et le progrès grâce à la transformation numérique et aux ressources numériques. Mais dans le même temps, avoir cette vigilance de la dignité des personnes, de la vie privée, des droits fondamentaux, des libertés, pour bâtir ce modèle commun, au départ duquel nous pourrons tenter de progresser ensemble.
Le nouveau paradigme, c’est bien sûr le sens de Global Gateway, c’est de miser sur des infrastructures durables, des infrastructures qui renforcent la résilience. Ce nouveau paradigme, c’est faire confiance au secteur privé, développer de nouveaux instruments financiers. Ça a été le sens de ce sommet, il y a quelques mois à Bruxelles, entre l’Union africaine et l’Union européenne. Nous avons pu dessiner les contours d’une approche différente, ambitieuse, nouvelle, réaliste également, et il ne nous appartiendra pas seulement de nous accorder sur une déclaration commune et généreuse, mais aussi de la mettre en œuvre et de développer cette culture de l’évaluation régulière pour s’assurer que les mots sont suivis d’effets tangibles ressentis par nos citoyens et par nos populations partout dans le monde. Ce nouveau paradigme c’est aussi le sens de l’engagement de l’Union européen pour continuer à travailler sur la restructuration des dettes qui accablent les pays africains, qui limitent et rétrécissent les marges de manœuvre. C’est aussi le sens de notre ambition d’être engagés avec le Fonds monétaire international pour faire en sorte que l’on puisse davantage réallouer les droits de tirage spéciaux; et au-delà des progrès qui ont été réalisés, il y a certainement encore, de mon point de vue, sur ce sujet, des pas additionnels qui vont être nécessaires.
J’avais promis d’être bref, je vais me tenir à cette promesse et j’en viens à la conclusion avec cette pensée que je souhaite partager avec vous. C’est celle d’un homme empreint de sagesse et dont la vie a marqué l’humanité: Desmond Tutu, qui indiquait avec des mots justes que “le seul moyen d’être en sécurité, c’est d’être ensemble”. Il ajoutait que “le seul moyen, en fin de compte, d’avoir de la prospérité, c’est d’être ensemble”. Et finalement, être humain c’est appartenir à cette même famille, c’est être ensemble, c’est prendre soin les uns des autres. Prendre soin les uns des autres, c’est vraiment le vœu que je forme en ce lancement des Journées du développement. Mobilisons nos intelligences collectives pour bâtir ensemble, dans le respect ? dans le respect de nos histoires, le respect de nos traditions ? mais aussi dans une volonté commune de bâtir un monde plus juste, plus solide et plus prospère. Merci à vous.
Fonte/Source: http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2022/06/21/intervention-du-president-charles-michel-lors-des-journees-europeennes-du-developpement/